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SCANDALE CE MATIN A L’ASSEMBLEE NATIONALE : L’OPPOSITION CENSUREE PAR L’UMP

Publié par Frédéric CUVILLIER sur 15 Septembre 2010

En vertu de l’article 49 al. 13 du règlement de l’Assemblée Nationale, chaque député dispose d’un temps de parole de 5 minutes pour expliquer le sens de son vote  sur un texte. Comme près de 165 collègues, je m’étais inscrit hier pour expliquer le sens de mon vote sur le texte des retraites, jusqu’à ce que le Président de l’Assemblée ne décide ce matin de nous interdire la parole ! Déni de démocratie, jamais pareille atteinte aux droits fondamentaux des représentants de la Nation n’a eu lieu dans l’histoire constitutionnelle de notre pays.  Interdire les parlementaires, qui ont un devoir individuel de représenter les citoyens, de s’exprimer est une atteinte grave aux principes républicains et démocratiques.

Le coup de force de ce matin me prive d’une intervention dans laquelle je souhaitais exprimer les inquiétudes que cette réforme des retraites suscite, particulièrement dans notre Région et dans le Boulonnais, où de nombreux salariés continuent de faire face à des conditions de travail pénibles. 

Vous trouverez ci-dessous le texte de mon intervention censurée.

Museler le Parlement, priver l’opposition de ses droits ne permettra pas à ce gouvernement d’échapper à la sanction populaire qui l’attend.

 

 

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre,

 

Au terme de dizaines et de dizaines d'heures, de nombreux jours de débats, de très nombreux collègues ont souhaité, comme je le fais à cet instant, s'adresser à la représentation nationale avec solennité et disons le aussi avec une certaine gravité, et prendre à témoin les Français.

 

Oui, par cette explication de vote, nous souhaitons exprimer avec force, avec détermination combien nous sommes opposés à cette réforme des retraites qui est à la fois injuste et inéquitable.

 

Nous le faisons à cette tribune et nous prenons ainsi à témoin les français qui, dans quelques heures lors du vote, sauront qui de leurs représentants sont ceux qui les défendent, qui défendent leurs droits sociaux, qui défendent les acquis obtenus au terme de luttes et de combats, fruit aussi souvent des évolutions d'une société en marche, d'une civilisation de progrès comme ce fut le cas par exemple au lendemain de la 2ème guerre mondiale.

 

Ils sauront aussi ceux de leurs représentants qui, malgré les brillantes démonstrations faites par nombre de nos collègues, les innombrables témoignages de situations aussi injustes que dramatiques, n'auront pas hésité à plonger encore un peu plus dans la précarité et dans la pauvreté certaines catégories de nos concitoyens, particulièrement les plus modestes et ceux en situation les plus fragiles.

Oui, ces collègues, assis à la droite de cet hémicycle auront à s'en expliquer devant les Français et nous les y contraindrons, eux qui s'attaquent aujourd'hui, sans scrupule, dans la stricte continuité de la politique d'inégalité menée par le gouvernement dont ils se réclament, à la justice sociale.

 

Et parce que c'est la marque de la politique que vous soutenez, vous ajoutez à l'injustice fiscale, aux cadeaux que vous réservez aux plus aisés, l'iniquité sociale qui attaquera de plein fouet les plus modestes de nos concitoyens.

 

Oui ici nous sommes un certain nombre à vouloir voir graver dans le marbre l'hostilité qui est la nôtre.

Les raisons en sont simples. 

 

Les conditions d'examen de cette réforme mettent à jour le cynisme de votre gouvernement. Cette réforme est basée sur le mensonge, le mensonge qui devient un mode de gouvernance pour le gouvernement et pour le Président de la République. N'est ce pas lui qui déclarait qu'il ne reviendrait pas sur la retraite à 60 ans pour aujourd'hui user de propos démagogues et mensongers devant le monde du travail.

 

Cynisme et mépris devant le simulacre de discussion avec les partenaires sociaux, cynisme et mépris devant l'autisme dont le gouvernement fait preuve lui qui refuse d'entendre ce qui se passe : car ce n'est pas un syndicat, ce ne sont pas deux syndicats qui s'opposent à cette réforme ce sont tous les syndicats des salariés... c'est une intersyndicale unie, groupée, rassemblée qui s'oppose à votre réforme. Cynisme et mépris également lorsque vous refuser d'entendre que 70% des français soutiennent cette mobilisation populaire !

 

Sur le fond, et cela a été dit et répété, le relèvement de l'âge légal de la retraite à 62 et 67 ans est une mesure d'une rare iniquité qui pénalisera les salariés qui auront commencé leur vie professionnelle tôt et donc particulièrement ceux qui auront eu une vie professionnelle faite de métiers difficiles et souvent faiblement rémunérés.

 

Le passage à 67 ans pénalisera pour sa part particulièrement les femmes aux carrières souvent incomplètes, et aggravera l'inégalité. Il touchera également les jeunes qui entrent de plus en plus tard dans la vie professionnelle. Par ailleurs, les séniors ne sont que 25% à retrouver un emploi après 6 mois de chômage, le taux d'emploi des 55-64 ans est de 38,9% ; ceux là devront se contenter d'une retraite incomplète et donc terminer leur existence dans la précarité.

 

Nous vous avons entendu dire, durant ces travaux M. le Ministre que la pénibilité n'avait pas de sens. Vous niez la réalité du monde du travail et la situation des salariés face à des travaux difficiles, finalement que vous ne connaissez pas…

 

Député-maire de Boulogne-sur-Mer, je côtoie ces milliers de salariés qui, dès leur plus jeune âge, à 3 heures, 4 heures du matin, tous les jours dans les usines sur le port et quelque soit la saison, traitent dans le froid des milliers de tonnes de caisses de poisson dans des conditions de travail particulièrement difficiles. Mais ceux là vous ne les connaissez pas, plus grave, vous ne les considérez pas.

 

Je suis élu d'une région industrielle qui, de la pêche, en passant par les mines, la métallurgie et autres industries lourdes, a assuré à la France durant plusieurs siècles la puissance économique et industrielle. Les ouvriers de ma région savent ce qu'est la pénibilité et ce n'est pas un hasard si chez nous, l'espérance de vie est la plus basse de France, si le taux de mortalité précoce est supérieur de 34% pour les hommes et de 28% pour les femmes par rapport à la moyenne nationale. Cette pénibilité explique également de bien tristes records en Nord-Pas de Calais où le nombre de cancers des voies aérodigestives est 81%  de fois plus fréquent, 32% pour le cancer du sein, 22% pour celui des poumons et où les maladies cardiovasculaires sont deux fois plus nombreuses qu'ailleurs. Nier cette réalité sociale, refuser la prise en compte de cela pour offrir une juste réparation à ces ouvriers relève de l'immoralité. 

 

Vous mélangez pénibilité et invalidité... La mission parlementaire avait estimé à 20 millions le nombre d'actifs concernés par la pénibilité et un million ceux susceptibles de bénéficier d'une compensation à ce titre. Avec votre réforme seuls quelques milliers en seront bénéficiaires !

 

Ce projet est inique parce que ce sont ceux qui sont cassés par la dureté de leur labeur qui vont être appelés à financer et à subir votre réforme. Pour le reste, vous dilapidez le fonds de réserve de retraite et ses 34 Mds constitués pour garantir aux générations futures sérénité et assurance en l'avenir. Dans le même temps, vous maintenez les cadeaux du bouclier fiscal et les 20 Mds de la niche COPPE sur la défiscalisation de la cession des filiales.

 

Aveuglés par les privilèges que vous défendez, vous refusez de voir la France qui souffre et qui a peur, ces millions de français qui, le 7 septembre ont exprimé dans la rue leur refus de la régression que vous leur offrez comme seule perspective.

 

Mais prenez garde à ne vous aveugler dans votre détermination provocatrice qui mine le pacte social et républicain.

 

Vous ne pourrez échapper à la sanction qui vous attend.