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Exposition « Boulogne-sur-Mer, port allié» Discours de Kader Arif (Boulogne-sur-Mer, jeudi 11 septembre 2014)

Publié par Frédéric CUVILLIER sur 12 Septembre 2014

Monsieur le Préfet,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Monsieur le Maire, mon très cher Frédéric,

Messieurs les anciens combattants et porte-drapeaux,

Mesdames et messieurs,

La ville de Boulogne-sur-Mer nous accueille aujourd’hui pour commémorer ensemble la Grande Guerre. Et je tiens dès à présent à remercier et à saluer tous ceux qui m’ont accompagné tout au long de la journée à la découverte de votre histoire. Celle qui fait aujourd’hui votre mémoire et caractérise une partie de votre identité. Au-delà d’une ville, c’est toute une région qui nous accueille. Et je sais combien tu tenais, cher Frédéric Cuvillier, à ce que tout le Nord-Pas-de-Calais soit associé à ce temps d’hommage. Je suis ici sur une terre particulière, je le sais, je le ressens.

Une terre ouvrière, une terre de pêcheurs, une terre dont les femmes et les hommes ont la République et ses valeurs chevillées au corps. Une terre qui m’est chère non pas parce que j’y ai grandi – mon accent me trahirait si je disais le contraire – mais parce qu’elle est une terre d’accueil où l’hospitalité, la solidarité et l’amitié sont les maîtres mots. Beaucoup parlent de la chaleur des femmes et des hommes du Nord-Pas-de-Calais. Et l’amitié qui me lie au maire de Boulogne-sur-Mer en est pour moi le témoignage. C’est une terre aussi pour laquelle j’ai le plus grand respect car tout mon engagement républicain est nourri par les combats que vos aînés et vous-mêmes avez su mener depuis des décennies.

Ce qui nous réunit aujourd’hui, c’est la volonté de rappeler que cette terre a payé un lourd tribut à la Première Guerre mondiale. Chaque famille et chaque commune de la région ont été éprouvées. Nombreux furent les hommes qui partirent au front en 1914 et rares ceux qui en revinrent. Le Nord-Pas-de-Calais recèle aujourd’hui en lui tous les souvenirs, toutes les mémoires de la guerre. Il a été un champ de bataille pour des centaines de milliers d’hommes devenus des soldats.

Ils venaient de métropole, des anciennes colonies, d’Outre-mer, des pays alliés. Ils étaient de toutes origines, de toutes nationalités, de toutes confessions et de toutes couleurs de peau. Ils ont donné leur jeunesse et leur vie pour permettre au mot Liberté de continuer à vivre.

Le souvenir de la Grande Guerre se confond ici avec les paysages. Paysages torturés portant les stigmates de la guerre et reflétant la douleur des combattants. Ce souvenir est présent dans tous les lieux. Ces lieux, permettez-moi de les citer. C’est le parc mémorial de Fromelles qui porte la mémoire des 5 533 soldats australiens tués dans la bataille en 1916. C’est le mémorial de la Crête-de-Vimy qui rend hommage aux 60 000 Canadiens morts durant la Grande Guerre. C’est la carrière de Wellington, que j’ai eu l’honneur de visiter l’année dernière. J’y ai découvert le quotidien des soldats néo-zélandais avant de s’engager dans la bataille d’Arras. Je me souviens avoir été profondément marqué par ces tunnels construits à hauteur d’hommes et dont les noms rappelaient des villes néo-zélandaises. Comme si, au cœur même de l’horreur et de la barbarie de cette guerre, les hommes avaient su se dépasser pour faire perdurer une once d’humanité.

Ces lieux, c’est enfin Notre-Dame-de-Lorette, la plus grande nécropole nationale française que j’ai décidé de consacrer Haut-lieu de la mémoire nationale, signe de l’engagement de l’Etat aux côtés des territoires pour faire vivre leur mémoire. Notre-Dame-de-Lorette où nous nous rendrons le 11 novembre prochain avec le Président de la République.

Tous ces lieux ont survécu aux hommes. Ils se sont mis à parler quand tous les témoins se sont tus. Ici, à Boulogne-sur-Mer, j’entends aussi leurs voix. J’ai découverts ces lieux tout au long de la journée. Je pense notamment au cimetière de l’Est, ce petit livre d’histoire ouvert aujourd’hui sur la page de la Grande Guerre.

Votre ville nous livre une lecture unique de la Première Guerre mondiale liée à l’expérience, unique, qu’elle en a eue. Celle de toute une ville condamnée à vivre au rythme de la guerre. C’est ce dont témoigne cette exposition. Je tiens à remercier la mairie de Boulogne-sur-Mer pour son initiative, en partenariat avec la DRAC Nord-Pas-de-Calais et le Conseil général. Je me réjouis que ce beau projet ait obtenu la labellisation de la mission du Centenaire.

Cette exposition nous rappelle que votre ville est le reflet d’une mémoire plurielle mais apaisée qui nous réunit autour des valeurs fondamentales, simples mais solides, de notre République. La liberté, celle arrachée à l’ennemi au prix du sang. L’égalité entre les Hommes par les sacrifices consentis, par le sang versé, par les souffrances endurées. La fraternité enfin, celle des armes bien sûr mais plus encore celle des âmes, celle des cœurs, celle qui animait alors les Boulonnais venant en aide aux combattants alliés et aux soldats blessés.

Boulogne-sur-Mer n’est ni une ville du front, ni une ville de l’arrière. Elle est une ville de la guerre. Une ville victime d’une quinzaine de bombardements aériens ennemis entre 1914 et 1918. Une ville refuge pour les femmes et les hommes jetés depuis leur Belgique natale et les villes du Nord sur le chemin de l’exil. Une ville aussi où beaucoup des soldats blessés au front ont été recueillis puis soignés. Une ville enfin qui a vu débarquer tant de soldats étrangers : 1,7 millions d’hommes transitent par la gare de Boulogne-sur-Mer entre 1914 et 1916. Plus qu’une ville marquée par la guerre, elle est une ville entièrement façonnée par la guerre.

C’est ce qui en fait aujourd’hui une mémoire si singulière que je tenais à venir rappeler. Dès le 12 août 1914, le général French, commandant la British Expeditionary Force, débarque sur les quais de Boulogne-sur-Mer à la tête d’une partie de ses troupes. La ville devient alors la principale zone de débarquement des hommes de Sa Majesté. En s’installant ici, ces troupes ont apporté un peu de l’âme britannique avec elles. En parcourant aujourd’hui cette exposition, c’est l’esprit de la Grande-Bretagne qui souffle ici, à Boulogne-sur-Mer. La ville devient en 1914 un lieu cosmopolite où Anglais, Américains, Portugais, Canadiens, Hindous, Chinois et Egyptiens se côtoient et cohabitent avec la population boulonnaise. Une richesse dont la ville tire aujourd’hui sa force, je le sais. Une richesse aussi qui fait la fierté de son maire et de ses habitants.

Mais l’histoire de Boulogne-sur-Mer ne s’arrête pas là. La mémoire des Boulonnais et des Boulonnaises est nourrie 20 ans plus tard par leur engagement dans la Seconde Guerre mondiale. En ce mois de septembre 2014, je me devais aussi de rappeler qu’il y a 70 ans, votre ville, comme beaucoup d’autres en France, vivait sa libération.

Libération pour les habitants qui subissaient l’occupation depuis 4 années mais aussi les bombardements depuis le mois de mai qui avaient entièrement rasé les quartiers de Capécure et Saint-Pierre. Libération pour des femmes et des hommes qui s’étaient réfugiés dans les caves de leurs maisons, un traumatisme évoqué par Alain Resnais dans son film Muriel ou le Temps d’un retour en 1963. Libération aussi pour les 8 000 civils expulsés de Boulogne-sur-Mer depuis le début de la guerre.

Cette Libération, votre ville la doit aux Alliés, principalement les Canadiens et les Britanniques qui, le 22 septembre 1944, entrent dans Boulogne-sur-Mer libérée. Elle la doit aux membres FFI et résistants de la région, ceux du « Club des Tordus » qui se réunissaient au café de l’Omnia, rue Coquelin, et ceux du mouvement « Patrie » aux côtés de l’imprimeur Emile Bertrand. Elle la doit aussi aux Boulonnais dont le courage a été immense et à qui le général de Gaulle a rendu hommage le 22 août 1945 en ces termes : « Boulogne a été exemplaire par son combat, par sa façon dont elle a subi et supporté ses souffrances. Elle peut compter non seulement sur l’amour, mais sur le concours de la France entière ».

Aux bombardements et à l’Occupation a succédé le temps de la reconstruction. La Gare maritime dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, premier équipement reconstruit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en est le plus beau symbole.

Voilà, mesdames et messieurs, ce que je tenais à rappeler, sans doute trop brièvement, de l’histoire de Boulogne-sur-Mer. Une histoire d’engagement, une histoire de courage, une histoire de solidarité et de fraternité des peuples, une histoire d’hommes et de femmes aussi.

Pendant la Grande Guerre, ici à Boulogne-sur-Mer, les cultures se sont mêlées et entremêlées pour donner naissance à la ville d’aujourd’hui. En rappelant le port, lieu de débarquement des troupes alliés, la ville refuge des exilés et le centre médical que Boulogne-sur-Mer était il y a 100 ans, c’est à une ville forte de son histoire et entièrement tournée vers l’avenir que je rends hommage aujourd’hui. Et je vous remercie, très sincèrement, de m’avoir permis de venir le faire ici et parmi vous.

Exposition « Boulogne-sur-Mer, port allié»  Discours de Kader Arif  (Boulogne-sur-Mer, jeudi 11 septembre 2014)