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Discours de Frédéric CUVILLIER à l'occasion des cérémonies commémoratives du 70ème anniversaire de la Libération de Boulogne

Publié par Frédéric CUVILLIER sur 21 Septembre 2014

Monsieur le Sous-Préfet,

Madame la Députée,

Mesdames et Messieurs les Elus,

Monsieur le Maire de Zweibrücken,

Messieurs les Anciens Combattants et Porte-drapeaux,

Mesdames et Messieurs, 

 

Le 15 août dernier, j’accompagnais le Président de la République à l’occasion de la grande célébration maritime qui fut organisée pour marquer la commémoration du Déparquement de Provence, cet épisode de la libération de notre territoire quelque peu oublié, en tous cas moins ancré dans notre mémoire collective que le Débarquement de Normandie ou la libération de Paris.


J’ai été surpris et ému d’entendre ce jour-là les provençaux que je rencontrai me dire à quel point ils étaient fiers de voir l’Etat rendre l’hommage unanime de la nation à cette opération si importante dans leur histoire, leur histoire qui est aussi la nôtre, de la voir enfin sortir d’une certaine occultation.

Pourtant il y eut lors de cette opération des faits d’armes héroïques reconnus. 


Des récits m’ont marqué lors de ces cérémonies, et notamment  les histoires propres à Toulon et Marseille, enjeux stratégiques pour les forces alliées comme pour l’ennemi, enjeux de ces ports qui furent violemment attaqués.

Et je leur ai parlé, à ces hommes et à ces femmes, à ces anciens combattants,  de ma ville, de notre ville, de Boulogne-sur-Mer, de ce port de la Manche, considéré par  le führer comme un point fondamental de son dispositif, du fait de la proximité avec l’Angleterre. 

Peu connaissaient l’histoire de la libération de Boulogne-sur-Mer, l'histoire de ce port que les Allemands commencent à détruire le 2 septembre. Peu connaissaient le destin de notre ville, ville sacrifiée sur l’autel de la liberté, ville libérée de l'occupant par le courage des forces alliées canadiennes.

Du Nord au Midi, des ports méditerranéens au port de Boulogne, dans les récits croisés qui sont faits, c’est, je crois, par la transmission des expériences, des vérités historiques, que nous pouvons mesurer finalement, avec le recul du temps, les profonds impacts sur nos communautés que la guerre a laissés.

Oui, la libération de Boulogne est pour nous tous, ceux qui y ont participé au premier chef, mais aussi nous tous actuellement qui sommes les héritiers de cette mémoire, de cette leçon de l'histoire, une épopée de grandeur et de ruine.


Une épopée du chaos, ces milliers de bombes incendiaires lâchées, laissant la ville éventrée, une épopée de feu, de cendres et de sang, un brouillard né de la furie des combats, du déchaînement de l’artillerie, de ce siège et de cette avancée victorieuse des brigades canadiennes confrontées à la résistance implacable de l’ennemi.

Qu’un hommage éternel soit rendu à ces hommes, à ces libérateurs de notre ville, qu’un hommage éternel soit rendu aux Boulonnais, résistants, civils, tous victimes de cette violence cataclysmique qui a conduit Boulogne sur Mer à être une des villes les plus meurtries de l’après-guerre.


Oui, nous Boulonnais de l’après-guerre, nos parents, nos grands parents nous l’ont dit, nous nous sommes construits dans cette conscience de la ruine ; nous sommes les héritiers perpétuels de cette libération forcenée, héroïque et tragique, qui laissa notre ville dans l’état de destruction que l’on connaît.

Oui, je crois que notre conscience collective, notre identité boulonnaise, s’est bâtie à partir de cette meurtrissure originelle, dans ce champ de ruines, dans ces débris, comme autant de traces écroulées d’une œuvre héroïque qui a contribué à tourner l’une des pages les plus sombres de notre histoire.

Car, au lendemain de la libération, devant ces centaines de morts, face à cette désolation, dans la contemplation hébétée d’un ancien monde écroulé, comment finalement était-il possible de penser l’avenir, ou simplement de continuer de vivre ?


Comment continuer de vivre si ce n'est en sachant que nous sommes libres. La liberté nue, tragique, la liberté sans rien plus que le cimetière des victimes, que le ciel pour toit, que la mer pour horizon, mais la liberté, c'est-à-dire la fin de la barbarie, l'anéantissement de l'immonde, et l’espoir d’un recommencement pacifié du monde.


Oui, je crois que c’est ce sentiment qui a empreint les cœurs et les esprits en ce 18 septembre 1944, alors que le drapeau français flottait à nouveau sur le beffroi, ce beffroi préservé, mais de nouveau surmonté de cette flamme encore vacillante, mais vivace de la liberté. 


Et ces libérateurs, à qui toute notre reconnaissance s'adressent aujourd'hui, ces hommes venus du nouveau continent sauver le vieux continent, préserver une civilisation en perdition, nous déposaient l’essentiel.


Oui, la liberté et rien d'autre. Mais, la liberté, ce peu de chose qui est tout, qui fait toute une volonté, féroce, d'avancer, de se relever, de construire un autre monde.


Oui la liberté, ce mot inaugural de la devise républicaine, la liberté, ce par quoi, nous Boulonnais, pouvions, tout recommencer de la devise républicaine, et en premier lieu, l'égalité, et en second lieu la fraternité.


C'est cela en tout cas qui a fait de nous ce que nous sommes encore à l’heure actuelle, qui à fait notre abnégation, notre force de caractère, notre force collective avec cet impérieux besoin de lutter, et de lutter toujours plus quand cela est difficile.


Peut être est-ce aussi cela qui nous fit prendre si rapidement conscience que ce que nous devions reconstruire - toute notre ville - toute notre identité - devait s'effectuer sur le sceau de ces valeurs fondamentales retrouvées, nues, dans le traumatisme inaugural de cette libération par le chaos. 

Peut être est-ce cela qui nous engagea très rapidement, dès 1957, à nous rapprocher du peuple allemand, oui, Monsieur le Maire de Zweibrücken, à confronter nos expériences de la guerre pour construire la paix. La liberté appelait la fraternité et la confraternité et nous nous sommes engagés dans ce beau jumelage qui est tout un symbole.


En ce 70e anniversaire des libérations de notre territoire, alors que chaque commune de France, avec passion et honneur, rend aux forces combattantes et aux victimes de la barbarie les hommages qui leur sont dus, nous Boulonnais devons avec fierté exprimer la grandeur des actes accomplis en ce mois de septembre 1944.

Nous devons exprimer avec fierté le courage qui fut celui de nos libérateurs et celui de la population.

Et nous ne devons ne jamais oublier que ce mot si précieux de liberté, n’est jamais prononcé vainement, car tant de morts, tant de sacrifices, ici à Boulogne et partout ailleurs, ont permis qu’il puisse continuer de vibrer avec éclat dans une Europe de paix.

Merci.

 
Discours de Frédéric CUVILLIER à l'occasion des cérémonies commémoratives du 70ème anniversaire de la Libération de Boulogne